ABDELLATIF KECHICHE – ENTRETIEN

À propos de son dernier film «la Graine et le Mulet»

mardi 14 octobre 2008, par filparp

Le Cinémed de Montpellier nous a donné l’occasion d’un entretien avec Abdellatif Kechiche à propos de son dernier film, «La Graine et le Mulet».

Comme d’habitude, vous tournez avec des comédiens non-professionnels. Et il y a du monde sur le plateau. Le casting n’a pas été trop délicat à réaliser ?

Le casting a pris énormément de temps, d’abord le temps de faire beaucoup d’auditions, et puis le temps de réfléchir. Parce qu’il y a beaucoup de gens passionnants.

Avez-vous beaucoup tourné, combien de temps vous a pris la scène du repas ?

Un mois. Il y avait une conversation par table. Et puis pour laisser les comédiens travailler sans être trop pris par la présence de la caméra, il y avait toujours deux caméras sur le plateau, dont une prenait « au vol » les situations et les conversations qui surgissaient. La version longue du film, si nous voulions la monter, durerait plus de trois heures.

Ce n’est pas trop frustrant de devoir tant «couper» au montage ?

C’est toujours un peu difficile, mais c’est la règle du jeu. Il est déjà «casse-gueule» pour les producteurs de faire un film qui ne soit pas une simple comédie, mais aussi le portait d’une certaine France aujourd’hui. Si l’on fait un film trop long, les distributeurs perdent des séances, c’est mathématique. Et donc tout devient encore plus difficile.

Le titre de votre film ressemble à celui d’une fable. Si cette fable devait avoir une morale, quelle serait-elle ?

Ce serait : il n’est pas facile d’accoster au quai de la République quand on est vieux, maghrébin, et que l’on rêve. Par ailleurs, j’aime bien m’identifier au mulet, qui n’est pas un poisson très estimé, mais qui a un caractère très entêté.

Il y a dans votre film des femmes de caractère. Vous vouliez insister sur cet aspect ?

Non, il se trouve simplement que parmi les femmes immigrées il y a beaucoup de femmes qui ont du avoir beaucoup de volonté. Et que pour moi, une actrice, c’est aussi une femme de caractère. Alors, forcément…Et puis les hommes ne sont pas effacés. Je voulais aussi montrer cet aspect de la vie où c’est l’art, où ce sont les artistes, dans le film les musiciens, qui portent l’identé et l’action.

Votre actrice principale connaissait-elle la danse du ventre avant le tournage du film ?

Non, elle a travaillé plusieurs heures par jour durant le tournage. Mais au-delà de la technique, il y a le plaisir, et aussi cette rage intérieure. Il y a eu sur le plateau des moments encore plus proches de la transe que ce qui est montré dans le film, que nous n’avons pas gardés.

Il y a de grands plans séquence très découpés, des gros plans très accentués. C’est un parti pris ?

Non, simplement j’ai vraiment envie d’écouter ce que disent mes acteurs, j’ai toujours envie de me rapprocher d’eux.

Les textes étaient-ils très écrits ?

A la fois tout est défini, et à la fois j’aime laisser une grande liberté aux acteurs. Dans la plus grande scène de colère du film, par exemple, l’actrice est allée beaucoup plus loin que ce que nous avions prévu, et s’est totalement exprimée.

A propos d’acteurs, comment avez-vous trouvé celui qui tient le rôle principal ?

C’est un ouvrier du bâtiment. Il travaillait avec mon père. Quand l’acteur qui avait été pressenti est décédé, j’ai immédiatement pensé à lui, parce qu’il est aussi peu bavard que le personnage !

Quelle a été votre plus grande satisfaction pendant le tournage ?

L’énergie. c’est incroyable l’énergie que dégageaient tous les gens qui ont collaboré au film. Et j’espère que les spectateurs la ressentiront.

Le film montre deux générations de l’immigration. Le père appartient à celle des «mobylettes motobécane bleues». Est-ce que c’est aussi le passage de témoin entre la vieille et la nouvelle génération de l’immigration que vous avez voulu filmer ?

Oui, sans doute. Mais cela ne signifie pas pour autant que je sois optimiste quand à la place et à l’avenir de la nouvelle génération.

Propos recueillis par Filparp.

Source : http://www.vogazette.fr/


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