HABIB MASROUKI PAR GHADA SELTEN

Ghada Selten

Par Mouldi FEHRI – cinematunisien.com – Paris, le 25.02.21

Le personnage est attachant et son histoire intrigante. Tous ceux qui l’ont connu de près ou de loin ne l’ont pas oublié et ne l’oublient jamais, que ce soit dans sa ville natale, Kairouan, ou dans les milieux culturels tunisiens (notamment ceux du cinéma et du théâtre) où son passage n’a laissé personne insensible à sa modestie, sa disponibilité, sa générosité et surtout son immense talent.

À l’âge de 32 ans, alors qu’il venait de retrouver la Tunisie depuis quelques années, après de brillantes études de cinéma à l’école «Vaugirard» de Paris et qu’il démarrait avec succès une carrière artistique qui s’annonçait des plus prometteuses, Habib Masrouki (car c’est de lui qu’il s’agit), nous a quitté le 29 novembre 1980.

L’inattendu, l’incompréhensible, l’insupportable est arrivé et a bouleversé tout le monde.

Seul dans son appartement de Tunis, il décida de mettre fin à ses jours, pour des raisons restées jusqu’à présent totalement inconnues. Comme tant d’autres, ses collègues et amis du «Nouveau théâtre», avec lesquels il a réalisé (entre autres travaux) le film «La Noce» en 1978, n’arrivaient pas à comprendre son geste. S’ils le savaient alors mécontent de la situation générale du pays et peut-être un peu mélancolique, ils étaient loin de penser à la possibilité  d’une telle fin.

Aujourd’hui encore, son histoire n’a toujours pas fini d’intriguer les gens et pourtant, quarante ans après, personne n’ose en parler. Le suicide dans une société arabo-musulmane, comme la Tunisie, est un thème qu’on n’aborde pas facilement. Par respect pour la famille d’abord, mais aussi sous le poids de certaines traditions ou croyances religieuses inavouées, c’est le silence absolu qui règne et personne n’accepte d’évoquer un tel sujet.

Il a fallu donc attendre autant d’années pour qu’enfin la curiosité, le courage et la persévérance de la jeune Ghada Selten, nièce d’Habib, permettent de défier directement les interdits et de faire en sorte que le secret qui entoure ce sujet tabou soit abordé et peut-être partiellement levé.

N’ayant pas connu son oncle, sauf à travers quelques bribes d’informations récoltées ici et là, elle décide alors de rompre le silence, de mener sa propre enquête et d’en intégrer les résultats dans le cadre de son travail de recherches universitaires.

Cherchant ainsi à découvrir son oncle, dont l’œuvre, aussi courte soit-elle, est reconnue et saluée par tant de spécialistes, Ghada ne s’est pas contentée de rassembler toutes les archives restées au foyer familial, mais elle est allée à la rencontre de ceux et celles qui ont connu Habib, pour les entendre et les faire parler de lui :

  • À Kairouan, elle rencontre ses anciens amis du « club des cinéastes amateurs » où il a commencé sa première initiation au cinéma (Hammadi Bouabid, Ridha Behi et d’autres encore).
  • À Tunis, elle a essayé, malheureusement sans succès, d’interroger les membres du «Nouveau théâtre» (Fadhel Jaibi, Fadhel El Jaziri, Jalila Baccar et Mohamed Driss) avec lesquels il a créé en 1975 cette fameuse troupe théâtrale.
  • À Paris, où elle est elle-même installée pour ses propres études, elle n’a pas hésité à se rendre à l’école de cinéma où était inscrit son oncle et aux différents lieux qu’il fréquentait, pour rassembler tous les documents et témoignages qu’elle pouvait avoir.

Ce long travail de recherches, d’entretiens et de témoignages, a fini par donner lieu à un livre intitulé «HABIB MASROUKI par GHADA SELTEN», qui vient d’être publié au mois de février 2021 par les«ESAAA Éditions» et qui constitue un vibrant hommage de cette jeune fille à cet oncle qu’elle aurait tant aimé connaitre.

Souhaitant réaliser plus tard un film sur la disparition prématurée et tragique d’Habib, Ghada a écrit et conçu ce livre comme une première mouture d’un futur scénario. Construit autour d’un ensemble de documents d’archives, dont beaucoup de photos et de dessins, il retrace à la fois la vie et l’œuvre de ce personnage hors normes et le place dans le contexte historique de l’époque où il a vécu et qui ne semblait pas le satisfaire, ni correspondre à ses propres aspirations.

Achetons donc ce livre et lisons-le pour écouter Ghada (elle-même) nous présenter son oncle Habib Masrouki.

Pour plus d’information :

Editeur : Ecole supérieure d’art annecy

mail : editions@esaaa.fr


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