SORTIE DU FILM «LE PARDON», DE NAJOUA LIMAM SLAMA

L’imminence d’un départ

Par Salem TRABELSI – La presse de Tunisie – Ajouté le : 21-12-2018

«Le Pardon», premier et dernier long-métrage de Najoua Limam Slama, est sur nos écrans, un film qui raconte la réalisatrice elle-même à travers la gangrène de la corruption qui ronge notre pays de l’intérieur.

Une lutte contre la mort et l’injustice et une réalité âpre, une gangrène qui a longtemps rongé notre système judiciaire et qui continue de le faire faire, mais surtout l’extraordinaire imminence du départ qui règne sur toute l’ambiance du film. Car, aussi bien dans le réel que dans le film, la réalisatrice Najoua Slama a lutté contre le cancer qui la rongeait de l’intérieur en trouvant la force d’aller jusqu’au bout de son premier et dernier long-métrage qu’elle a accompagné jusqu’à la table de montage et qu’elle n’a malheureusement pas vu sur grand écran. Lors de la projection de presse à la Cité de la Culture, toute l’équipe présente a rendu hommage à ce courage et à cette ténacité. Lassaâd Oueslati, le directeur artistique du film, qui a continué à le mener jusqu’au bout selon les volontés de sa réalisatrice, avait présenté l’équipe : Ridha Slama (producteur), Mohamed Ali BenJemaâ et Riadh Hamdi (acteurs), Mohamed Maghraoui (directeur-photo) et Riadh Fehri (musicien).

Voici le synopsis du film : «À la suite d’une erreur dans les résultats de ses analyses médicales, Faouzi, un juge, se retrouve face à l’une des victimes de ses précédents procès. Cet homme, dénommé Mostari, tout juste sorti de prison, souffre d’une vacance en phase terminale et se prépare à mourir à sa manière. Faouzi cherche alors par tous les moyens à se faire pardonner auprès de Mostari».

À tout prendre, la réalisatrice a choisi un traitement qui n’est pas des plus faciles pour ce sujet. Comment raconter une mort qui s’approche, le cancer de la corruption qui ronge notre société et l’impossibilité d’un rachat dans un dernier mouvement de rédemption ? En effet, le film réussit à nous faire sentir cette imminence de la mort et nous communique cette sensation de ceux qui se préparent à rejoindre l’au-delà. Deux éléments ont suivi dans ce sens : le montage mais aussi l’image, réaliste en apparence mais qui cache dans ses méandres l’idée d’un «abîme non loin de là». Dans cette image, les lumières sont dans une écriture avare, pesante et tournée vers l’intérieur des personnages plutôt que vers les décors. On appréciera ce plan où l’image nous transmet un extérieur large en plan fixe, où la voiture noire du juge avance dans un champ sous une lumière crépusculaire et un ciel boudeux où les nuages s’amassent comme des moutons devant la porte d’un abattoir. Une image qui articule le film et le prépare à verser dans sa deuxième partie. Car à tout prendre dans ce film, Najoua Slama était consciente qu’il fallait créer un univers particulier, un univers qui traduise l’intérieur de deux personnages : l’un rongé par le remords et l’autre par la maladie. Plus encore dans la deuxième moitié du film, l’image quitte cet univers réaliste pour tenter de s’introduire dans l’imaginaire du personnage de Mostari, mais aussi celui de la réalisatrice lorsqu’elle filme les méandres d’une grotte à Mahdia. Cette «métaphore sous-terrestre», tout en exprimant l’imaginaire, a gardé sa cohérence avec le reste du film qui navigue sur une musique qui prend le spectateur par sa force évocatrice du thème, mais sans le monopoliser ou l’arracher au récit.
Pour un retour au cinéma, on peut dire que Mohamed Ali Ben Jemaâ a «mis le paquet» dans le rôle de Faouzi le juge, un jeu maîtrisé, un rôle composé et qui ne verse pas dans l’excès. Abed Fahed a également beaucoup donné à la dramaturgie de ce film par un jeu peu loquace mais très émotionnel. Ce sont ces deux acteurs qui ont donné à ce film son double thanatos.

Auteur : Salem Trabelsi

Ajouté le : 21-12-2018

Source : http://www.lapresse.tn/


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