HABIB ATTIA : OPTIMISME ET DÉTERMINATION

Propos recueillis par Asma DRISSI – La Presse de Tunisie – 19 février 2010

Il est un des plus jeunes producteurs tunisiens, mais il est à la tête d’une des plus anciennes sociétés de production.

Celle qui a misé sur la nouvelle vague du cinéma tunisien, «Cinétéléfilms». Habib Attia n’est pas uniquement le fils de Ahmed Bahaeddine Attia qui a produit les films les plus importants du cinéma tunisien, c’est un jeune producteur qui a le vent en poupe, ayant produit Laila’s birthday, le long-métrage du Palestinien Rashid Masharaoui auréolé de plusieurs prix internationaux, dont le Tanit d’argent des JCC 2008.
 Et bien que sa carrière ne date pas de très longtemps, et qu’il ait très peu produit de films, il garde une vision claire de son métier et regarde vers l’avenir avec optimisme et détermination. Entretien.

Comment définissez-vous le métier de producteur et quel serait pour vous le rôle du producteur idéal ?

  • Le producteur à mon sens est le premier partenaire du réalisateur et du scénariste sur un projet. C’est la personne qui le rend faisable, financièrement et techniquement.
    Le rôle du producteur se ressent sur différentes étapes, à commencer par l’étape de développement du film en général, une étape qui aboutit sur un scénario faisable.
    Le producteur accompagne le projet depuis l’écriture qui ne peut pas être, à mon avis, un acte solitaire. Le scénario est souvent confronté à plusieurs lecteurs qui donnent des avis souvent contradictoires et c’est au producteur de trancher. C’est pour cette raison que, dans les ateliers de développement, le producteur est toujours présent pour valider les choix et les modifications.
    Une fois la phase de développement terminée, aboutissant à une version sur laquelle ils sont tous les deux d’accord, la phase de recherche de financement commence.

Est-ce la phase la plus dure ?

  • C’est une phase généralement très longue et délicate. Les sources de financement ne donnent pas facilement leur accord, c’est souvent «oui, mais…».
    Le producteur dans cette phase-là doit détecter le moment opportun pour demander ce financement, doit connaître la demande réelle de son vis-à-vis, ses goûts, ses affinités et ses partis-pris pour que son projet soit accepté. Pour cela, il faut savoir présenter le projet et bien soigner sa note d’intention.
    Selon l’avancement de cette étape, on peut déterminer la faisabilité du film et on peut étoffer le dossier avec le casting, les repérages, l’équipe technique…
    Pour les étapes qui suivent, à savoir les différentes phases de production, le producteur est forcément présent pour décider de l’équipe, du casting et fournir les financements nécessaires au bon déroulement de la production.
    Même dans la phase de montage, le producteur a toujours son droit de regard et réagit au rythme du film selon ses connaissances du marché, des stratégies des festivals et d’autres paramètres que le réalisateur n’est pas censé connaître. Pour que le film soit visible à sa juste valeur et assure un tant soit peu un retour sur investissement.
    Bien sûr, avec cette conception que j’ai du métier de producteur, je ne peux pas comprendre comment on peut être réalisateur et producteur en même temps ; avoir les deux casquettes, c’est être juge et partie et ça ne peut pas marcher ainsi.

À votre avis, quelles sont les difficultés de la production chez nous ?

  • Les problèmes de la production se situent à plus d’un niveau : ils sont d’abord liés à la réactivité de l’État, à savoir le ministère de la Culture et de la sauvegarde du Patrimoine. D’abord on ne peut pas continuer à fonctionner sans un calendrier clair et précis quant à la périodicité des commissions d’aide à la production.
    Ensuite, le cinéma n’est pas un secteur économique classique qui répond uniquement à l’offre et à la demande ; c’est un secteur qui a besoin du régulateur externe que sont les aides. Le cinéma, qui n’est pas qu’une industrie, est aussi une culture et une identité, c’est pourquoi il doit être soutenu et aidé.
    Mais ces aides doivent être «intelligentes» et  spécifiques aux projets, selon un devis de production qui définit le coût du film.
    Enfin,  il y a les prémices d’une prise de conscience avec le rapport de la Commission nationale pour la réforme et le développement du cinéma et de l’audiovisuel et on s’attend à une réelle réactivité de l’État.

Avec toutes ces difficultés, comment s’en sortent les boîtes de production ?

  • En ce qui nous concerne, c’est en produisant des films documentaires, en assurant l’exécutif d’autres projets et avec les productions étrangères, c’est la publicité qui sauve la mise.

Et qu’en est-il de  la production des films tunisiens ?

  • Bien que le film tunisien remporte toujours un franc succès auprès du public, il reste pour le moins peu rentable. Mais il pourrait l’être, si un vrai marché existait. D’ailleurs, parmi les urgences de notre secteur cinématographique, il y a la création d’un marché. Il faut que des salles de cinéma soient construites, les multiplexes peuvent être une solution, et je pense qu’ils seront complémentaires avec les petites salles «d’art et d’essai». Il y a plein de quartiers résidentiels qui poussent comme des champignons sans aucun projet  culturel en prévision. C’est à l’État de penser à cela pour qu’une salle de cinéma soit, par exemple, exigée dans les cahiers des charges de ces nouvelles cités…

Malgré tout, vous paraissez optimiste.

  • Il le faut bien, car il est nécessaire de rebondir, d’autant que tous nos espoirs se portent sur la réforme et le développement du cinéma et de l’audiovisuel.

Propos recueillis par Asma DRISSI

Source : http://www.lapresse.tn/


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