HOMMAGE, RECONNAISSANCE ET GRATITUDE

Par Sonia Chamkhi (cinéaste)

Le mardi 22 décembre, dans le cadre de la 31° édition des JCC, à 15 heures salle de l’Opéra de la Cité de la Culture, un vibrant hommage a été rendu à de grandes personnalités de notre cinéma qui nous ont quittés cette année.

Cette excellente initiative a été prise par M. Hamadi Bouabid, professeur émérite à l’Université de Carthage, qui a signé quatre parmi les films-portraits qui ont été produits et réalisés spécialement pour cette commémoration-hommage, auxquels se joignent les deux films produits et réalisés respectivement par Selma Thabet et Mohamed Maghraoui.

Une salle émue a vibré à la projection de ces films précieux qui existent grâce au dévouement des réalisateurs susmentionnés qui ont mobilisé toutes les ressources, y compris financières (sans la moindre subvention !), pour rendre hommage à des hommes précieux qui nous ont quittés en nous léguant un bien inestimable : des films, des valeurs, et leur foi dans la culture comme ciment de notre lien et de notre appartenance à cette terre bénie.

Je suis la première à leur être reconnaissante et à les remercier de nous montrer la voie de la gratitude, de la persévérance, du respect et de la transmission.

Les portraits-hommages furent dédiés à :

  • M. Mustapha NAGBOU, cinéphile passionné, critique prolifique, qui initia des générations entières à l’appréciation filmique et à la critique et qui fonda la revue Goha, devenue 7° Art, l’une des premières revues cinématographiques en Tunisie.

 

  • M. Chérif BOUSNINA, le grand spécialiste des laboratoires de la SATPEC qu’il dirigea par ailleurs. Un chimiste talentueux, diplômé d’une des plus grandes écoles d’ingénieurs de France, estimé et aimé par tous les professionnels du cinéma et auquel nous devons les plus belles réalisations en argentique de Tunisie, mais également d’Afrique.

 

  • M. Hassine SOUFI, un professionnel chevronné du cinéma et de la gestion de la production, qui a accompli une carrière remarquable notamment à la société Nationale SATPEC, à CARTHAGO Films et ALYA Films. Il fut directeur de production sur des œuvres majeures de notre jeune cinéma, à l’instar de «Khalifa Lagraa» de feu Hamouda Ben Halima, «Sejnane» de Abdellatif Ben Ammar, «Un été à la Goulette» de Férid Boughedir, «La Boîte magique» de Ridha Béhi, «Lilia», de Mohamed Zran et à la production exécutive de remarquables tournages en Tunisie pour la SATPEC tels que «l’Eden et Apres» d’Alain Robbe-Grillet, et pour CARTHAGO FILMS de Tarak Ben Ammar tels que «Le Messie» de Roberto Rossellini, «Jésus de Nazareth» de Franco Zeffirelli, «Les Aventuriers de l’arche perdue» de Steven Spielberg, «Les Pirates» de Roman Polanski, «Les Morfalous» de Henri Verneuil…

  • Ali (Aloulou) CHERIF, passionné de cinéma, professionnel chevronné du faire filmique, grand amateur et collectionneur de peinture Tunisienne . Il fut régisseur et producteur exécutif. Après avoir fait ses premières armes auprès de Sadok Ben Aïcha, Hmida Ben Ammar et Khaled Abdelwaheb, il côtoya pendant des décennies, en sa qualité de directeur de production, de grands cinéastes français et américains, venus tourner en Tunisie avec CARTHAGO FILMS, grâce au producteur Tunisien Tarak Ben Ammar : Claude Chabrol, Steven Spielberg, Roman Polanski, Franco Zeffirelli Jean Yanne, Les Monthy Python… Généreux de coeur et d’esprit, Bon vivant, fin gourmet et fin cuisinier, à la table toujours ouverte pour les amis et les proches, il consacra une grande partie de sa vie, en bon pédagogue, pour soutenir la nouvelle génération, à la formation et à la transmission.
  • Et alors que ces quatre beaux portraits sont signés par Hamadi Bouabid, la productrice Selma Thabet a signé elle-même l’hommage à son père, le regretté Fawzi Thabet, dont l’immense talent et l’apport considérable à notre cinéma tardent encore à être inscrits dans notre mémoire cinéphilique. Le 6° portrait, nous le devons à l’exceptionnel Mohamed Maghraoui, le chef-opérateur qui honora la mémoire de son collaborateur ingénieux, feu Lotfi Siala, incontestablement l’un des meilleurs chefs électro de notre cinéma.

 

  • M. Faouzi THABET, formé à la prestigieuse école de cinéma de Bruxelles, l’INSAS, d’ou sont issus de nombreuses figures du Cinema Tunisien comme Nouri Bouzid et Mounir Baaziz, il a accompli une longue et prestigieuse carrière d’ingénieur du son. Sa dextérité, sa sensibilité et sa créativité ont porté de nombreux films de Abdellatif Ben Ammar, Férid Boughedir, Mahmoud Ben Mahmoud, Moufida Tlatli, Selma Baccar et bien d’autres. Mais ce que peu de gens savent, c’est qu’il porta également une grande partie des films marocains : plus d’une vingtaine de films ! Tant et si bien qu’il reçut des prix du Meilleur Son au Maroc, y compris dans les compétitions exclusivement marocaines, celles censées ne distinguer que les professionnels marocains : c’est dire qu’il a tant donné au cinéma marocain que les Marocains le considèrent comme l’un des leurs, sans la moindre restriction due à sa nationalité tunisienne ! Son talent n’a visiblement d’égal que l’amour et l’estime qu’au-delà des frontières, les gens du cinéma lui portent.

 

  • M. Lotfi SIALA, un un chef-électricien précieux, talentueux, irremplaçable. Il fait partie de ces soldats de l’ombre. Tout départ est prématuré, injuste, insupportable. Le sien fut foudroyant car survenu suite à un accident de travail, sur le lieu même de son dernier tournage où, voulant faire gagner du temps à l’équipe, il travailla seul pendant la pause.

C’est dire la générosité, la discrétion et l’abnégation de ce grand technicien chevronné, dont l’apport est si grand qu’il est quasiment impossible de nommer la longue liste de films qui lui doivent leur lumière !

Paix à l’âme des défunts, sincères condoléances à tous ceux qui les aiment, familles, amis, proches et lointains et comme dirait le poète

لانتم حماة العرين اباة

نشدتم لدي الموت حق الحياة

Sonia Chamkhi


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