JCC 2020 : IMPRESSIONS

Par Ilhem Abdlkèfi pour cinématunisien.com

La 31° session des Journées Cinématographiques de Carthage vient de baisser le rideau.

Une bouffée d’air et de culture qui nous a régénérés.

Ce qui suit n’est pas la critique d’un film comme j’ai l’habitude de le faire, mais un regard fugitif et passager, simple et ému d’une cinéphile qui suit les JCC depuis leur création, et qui vient de vivre cinq jours de pur bonheur car elle a bien cru que cette année serait l’année sans la fête du cinéma, après ces mois de privation dus à cette pandémie de la Covid-19.

Cette fois-ci j’étais tout simplement cinéphile, ni membre d’un Jury, ni membre du bureau d’organisation, ni présentatrice de films comme il m’est arrivé de l’être dans le passé.

Cette session, exceptionnelle comme elle a été décrite, a fait le pari de maintenir le cinéma dans les salles et ce fut un pari gagné. L’humain est incontournable, irremplaçable.

Elle a aussi été la session de la mémoire du Festival, qui nous a donné à revivre quelques-uns des très beaux moments du cinéma arabo-africain. Une rétrospective, dont une exposition de documents et photos qui retracent l’histoire du Festival depuis sa création, en 1966, par feu Tahar Cheriâa. Un travail de documentation, fait par Sayîda Bourguiba et sa très professionnelle équipe, riche et émouvant.

Une session réussie, à mon humble avis.

L’ouverture a été sobre et intelligente, dont le seul couac fut les deux présentateurs qui manquaient trop de naturel ! L’organisation parfaite, une présence continue pour répondre aux besoins des spectateurs, les contraintes sanitaires respectées scrupuleusement, un grand nombre de jeunes qui faisaient marcher cette grosse machine.

Le public, lui, n’a pas failli à son habitude : il était là, présent, assidu, avide et très discipliné.

Le cinéma enfin était bien sûr au rendez-vous. Magique, merveilleux, un enchantement !

Retrouver les salles obscures, lever la tête pour regarder ces films arabo-africains qui nous ont marqué, sont restés dans nos mémoires et souvenirs, qui ont contribué à notre formation.

J’ai eu le bonheur de revoir des films que j’avais aimé, en découvrir d’autres que je n’avais pas réussi à voir lors de leur projection et, cerise sur le gâteau, faire l’expérience d’une projection en drive-in ! Cela me rappelait les séries et films qui mettaient en scène ces sorties de jeunes pour aller voir les films depuis leur voiture.

Deux films dans la section avant-première 

200 mètres, d’Amin Nayfeh, 2020, Palestine : ce mur qui sépare les familles, et les 200 mètres de séparation deviennent un chemin de croix pour ceux qui veulent rejoindre les leurs.

La Fuite, de Ghazi Zaghbani ,2020, Tunisie : une adaptation de la pièce de théâtre qui porte le même titre, une performance époustouflante de Nadia Boussetta. L’intégrisme face à ses contradictions en présence d’une «dame» au caractère très libre, et très avertie.

Les films revus

Des petits bijoux de films qui n’ont rien perdu de leur actualité, de leur intensité.

Arak El Balah, de Radwan El Kachef, 1998, Égypte : un film sensuel, dramatique, violent par l’émotion toute en retenue et une photographie des plus magiques, somptueuse !

Les Rêves de la ville, de Mohamed Malas, 1984, Syrie : nos rêves, nos illusions, nous Arabes, sans cesse, encore et toujours brisés ; le film n’a pas pris une ride !

Le Train de sel et de sucre, de Licinio Azevedo, 2017, Mozambique : un bijou de film. Un train qui part de Nampula pour rejoindre le Malawi. Un microcosme de la société, un huis-clos où la vie et la mort s’entrecroisent, l’amour comme un champ d’espoir, face à la violence, l’injustice, le sexisme qui disent la dureté d’une réalité à laquelle il est difficile d’échapper.

Noces en Galilée, de Michel Khleifi ,1988, Palestine : un film dont le sujet serait impossible à mettre en scène de nos jours tant les questions traitées sont tabous et les scènes osées. Un triste constat par rapport à l’évolution de nos mœurs !

Teza, de Hailé Gerima, 2008, Éthiopie : l’histoire de l’Éthiopie, à travers le parcours du personnage de la génération d’intellectuels progressistes qui ont cru au changement mais qui se heurtent à la terrible et dure réalité.

Hyènes (film que je vois pour la première fois), de Djibril Diop Membetty, 1992, Sénégal : l’héroïne du film dit : « Le monde a fait de moi une putain, je ferai du monde un bordel » ; un conte qui pose la question toujours renouvelée sur la trahison, le pouvoir de l’argent et la corruption.

Les documentaires

Zahra, de Mohamed Bakri, 2010, Palestine : c’est l’histoire de vie de la tante du réalisateur, une sorte de mère courage qui a presque traversé le siècle dans ce pays sacrifié qu’est la Palestine.

True Story, d’Amir Lakhnech, 2019, Tunisie, court-métrage : un film de genre en noir et blanc, assez innovateur dans le champ cinématographique tunisien, avec un sujet intéressant porteur d’un message qui aurait été banal si raconté d’une manière classique.

Attitude, de Inès B. Othman, 2019, Tunisie : le football, le virage, les jeunes « Hooligans » ; un tableau très lucide et réel de ces jeunes fans de foot et leur éternel face-à-face avec les forces de l’ordre.

Pour conclure 

Une session qui nous a rendu la joie d’être dans les salles obscures, de vivre et de respirer le cinéma. Elle était un peu triste quand même avec ce virus qui était dans l’air, cause de Journées tronquées puisque, couvre-feu oblige, tout le monde rentrait en vitesse à 19 heures, laissant les rues de Tunis vides de ses festivaliers le soir.

Merci à vous, toutes et tous, qui avez rendu cela possible. Vive le cinéma.


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