LA PALESTINE ET LE CINÉMA

Par Hichem Ben Yaiche – 7ème ART – Numéro 30 – octobre 1977

Le destin de la Palestine est, depuis trois décennies, l’un des plus tragiques qui soient. Comment les cinéastes arabes et occidentaux l’ont-ils évoqué dans leurs films ? Pourquoi a-t-il été travesti et bafoué par beaucoup ? Quels espoirs peut-on fonder sur le jeune cinéma palestinien par rapport au cinéma arabe et au cinéma révolutionnaire ? Quels sont les films qui ont le plus dignement servi la cause du peuple palestinien ? Dans quelle mesure cette lutte de libération peut-elle susciter une nouvelle esthétique politique ?
Telles sont les principales réflexions autour desquelles s’articule le livre dont notre invité,
Guy Hennebelle, va nous entretenir aujourd’hui.

H.B.Y. : Le livre a été préparé et réalisé par Khemais Khayatti et vous-même ; voulez-vous nous en parler davantage ?

  • G.H. : Oui ! Avec Khemaïs Khayatti de la revue «CinémArabe», nous avons travaillé sur ce livre pendant une année. il est paru aux
    Éditions du Centenaire à Paris et fait 320 pages. Nous l’avons conçu délibérément comme un travail collectif, en effet une vingtaine de critiques aux trois quarts arabes et un quart européens ont collaboré à l’élaboration de cet ouvrage, qui comprend pour partie des traductions de chapitres de livres ou d’articles de presse parus précédemment en arabe, et pour partie des articles originaux, écrits directement en français ou traduits de l’arabe.
    Le livre, préfacé par le représentant de l’OLP à Paris, Ezzeddine Kalak et par Mustapha Abou ALly de l’Organisme de Cinéma palestinien. se divise en cinq chapitres. Le premier est consacré au cinéma palestinien proprement dit, le deuxième s’intitule «Les cinémas arabes et la Palestine», le troisième «Les cinémas occidentaux et la Palestine», le quatrième traite du «Cinéma israélien et de la Palestine» et le cinquième comprend une filmographie de trois cents titres, établie par Hassen Abou  Ghanima.

H.B.Y. : Pourquoi avoir choisi un tel sujet ?

  • G.H. : Pour trois raisons :
    1) Nous voulions manifester concrètement dans le domaine qui est le nôtre, en tant que critiques. Notre soutien à la cause du peuple palestinien, à un moment particulièrement tragique de son histoire où il est à la fois attaqué de front par les sionistes et poignardé dans le dos par les réactionnaires arabes, c’est pourquoi nous avons dédié ce livre aux résistants de Tell Zaatar et Hény Jawharia tué par un obus phalangiste.
    2) Nous voulions mettre en valeur les films qui permettent au monde d’appréhender concrètement la cause palestinienne ; et en même temps dénoncer d’une part les films de propagande sioniste et ceux des films arabes malheureusement majoritaires qui, depuis 68,
    mercantilisent et dénaturent la lutte du peuple palestinien et des peuples arabes qui lui sont solidaires.
    3) Considérant la complexité de la question palestinienne, il nous a paru qu’elle était de nature à faire émerger une esthétique révolutionnaire arabe d’un type nouveau. C’est pourquoi on trouvera en particulier dans ce livre des entretiens détaillés avec Tawfik Salah et Bourhan Alawiya, qui ont vraisemblablement les films les plus avancés sur ce plan. Il nous semble, à Khémaïs Khayatti et à moi-même, que le cinéma palestinien pourrait avec d’autres contribuer à une indispensable révolution politique et culturelle dans les cinémas arabes, de laquelle les militants du monde entier pourront tirer des leçons concrètes pour leurs propres expériences.

H.B.Y. : Plus précisément… ?

  • G.H. : Plus précisément, puisque vous m’y poussez, je voudrais dénoncer ici – certain d’être approuvé par tous les progressistes arabes – ce que j’appellerais l’obscurité idéologique et culturelle de certains films qui se sont produits aux JCC 76 et que nous ne sommes pas prêts d’oublier. Je voudrais tout de même formuler quelques remarques à propos des JCC 76 et ce, en dépit du temps écoulé.
 1) Des films qui colportent une idéologie réactionnaire et obscurantiste n’auraient jamais dû avoir droit de cité en compétition dans un festival sérieux comme les JCC.
 2) Ces films me paraissent également moralement et intellectuellement complices de ceux qui massacrent le peuple palestinien, que ce soit dans Israël ou les pays arabes limitrophes. Il était risible et consternant d’entendre les réalisateurs de ces insanités nommées «films» se réclamer avec une vile démagogie du naturalisme arabe. Ces gens-là, je le répète, sont idéologiquement complices des assassins du peuple palestinien. Ils feraient mieux dans l’avenir de s’abstenir de se réclamer d’un anti-impérialisme qui n’est en l’occurrence que de pacotille. Ils sont en vérité les meilleurs alliés de l’impérialisme mondial dont ils sont les pantins mal articulés. Un jour viendra – j’en suis certain – où les peuples arabes, las d’être «dupés» comme dirait Tawfik Salah, se débarrasseront de ces imposteurs. Il serait grave pour les JCC de se laisser contaminer davantage par l’idéologie de ces messieurs qui se réclament bruyamment de l’Islam.
    Espérons qu’avec la nouvelle équipe, on verra de nouveaux horizons pour le prochain Festival.
    Ainsi soit-il !

Entretien conduit par Hichem BEN YAICHE

Guy HENNEBELLE

  • – Critiqu e de cinéma à «ECRAN» et dans de nombreuses revues françaises et autres.
    – A publié :
  • 1 – «LES CINEMAS AFRICAINS EN 1972»
    (Société Arricaine d’Edition, 13, Avenue Jean Jaures – DAKAR – Sénégal).
  • 2 – «Quinze ans de cinéma mondial», 1960-1975»
    (Editions du Cerf).
  • 3 – «GUIDE DES FILMS ANTI-IMPERIALISTES»
    (Editions du Centenaire)
  • 4, «LE CINEMA MILITANT FRANÇAIS»
    (Film édition, 1, rue de Metz, 75010 PARIS,
    France).
  • 5 – «LA PALESTINE ET LECINEMA» en collaboration avec Khémais KHAYATTI.
    (Editions du Centenaire 24, rue Philippe de Girard, 75010 – PARIS, France).

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