PARLER DE CINÉMA, FAUTE D’EN VOIR !

Écrit par Hafedh Djedidi – Le Renouveau – 28-07-2010

Rares  sont les festivals qui programment les films qu’on aimerait voir. Problème de salle ? Problème de réserve filmique ? Coût des droits ? Pourtant, le public a toujours répondu présent chaque fois qu’un grand film est annoncé. Ce public d’une projection est-il infidèle et incapable de remplir son contrat d’assiduité ? Le cinéma de grand écran est-il devenu un infirme que l’on fait sortir sporadiquement des boîtes à l’occasion de telle ou telle manifestation ? Les DVD et les films sur petit écran ont-ils définitivement tué le cinéma de salle ?

Ces maux qui persistent !

En se dotant de deux institutions d’enseignement supérieur formant des centaines d’étudiants dans les métiers du 7° Art et d’un certain nombre de manifestations cinématographiques, le cinéma tunisien s’est-il pour autant réconcilié avec le grand public ? Les efforts d’une société de production de la place qui s’est évertuée, pendant des années, à former des scénaristes se sont-ils soldés par un échec ? Le problème du cinéma, en Tunisie (pour faire la part des choses avec le cinéma tunisien tout court) est-il dû à une carence de salles, à des chicanes de marché ? Question encore épineuse en parlant du cinéma tunisien : jusqu’à quand le ministère de tutelle va-t-il continuer à être le premier pourvoyeur de fonds pour des films dont les scénarios ne sont jamais les mêmes à l’amorce des demandes de subvention et à la sortie du film ? Les gens du secteur connaissent le tribut à payer aux fonds avancés par certains producteurs outre-mer.

Il est vrai, par ailleurs, que le scénario est ce bât qui blesse. Et les choses n’ont guère changé depuis des années. Beaucoup d’auteurs s’érigent en scénaristes, sans beaucoup d’expérience en matière d’écriture dramatique, en dehors souvent de quelques exercices effectués dans le cadre d’ateliers lors de stages organisés dans la foulée des JCC, du FIFEJ, du  Cinéma Amateur de Kélibia ou carrément dans le cadre des formations académiques. Beaucoup aussi se croient à même de présenter un bon scénario dès lors qu’ils ont la conviction d’avoir trouvé un bon sujet. Or une idée, même lumineuse, ne suffit pas à justifier de la pertinence d’un scénario. Et, nombrilisme oblige, beaucoup de nos cinéastes, dès lors qu’ils «se pensent» bons réalisateurs, se disent qu’ils peuvent pondre aussi de bons scénarios. Nul partage avec les constructeurs de fables ! Pourtant, ceux-là existent et peuvent aisément, au bout de quelques expériences, se convertir en bons scénaristes. L’écriture du scénario serait-elle donc un terrain de chasse où ne sont autorisés que les gens de la maison.

Le scénario en tête !

Vu le rythme de production qui est le sien, notre cinéma pond rarement des œufs d’or. Nous sommes tous d’accord là-dessus. La cause n’est pas toujours la complainte du panier du producteur, car, même quand il est bien garni et que les cachets des acteurs sont généreux, l’insuccès s’explique très souvent par les défaillances du scénario. L’adoption de la ligne corrective qui traduit certaines subventions en aides à l’écriture ne donne pas toujours les fruits escomptés, du fait qu’il  n’est pas encore prouvé que deux imaginaires et deux sensibilités peuvent, à tous les coups, produire un bon scénario.

Mais, par contre, si notre télévision continue à produire des œuvres dramatiques dont la qualité et la consistance en termes d’impact sur le public (toutes catégories confondues) sont plus notables, c’est quelque part en raison d’une maîtrise relative des ingrédients nécessaires qui plaisent aux téléspectateurs et dont les niveaux intellectuel et esthétique ne sont pas toujours très brillants. Il arrive aussi que le niveau soit très faible, quoi qu’en disent les amateurs du rire facile, depuis que certains sitcoms (qui ne se comptent même pas sur les bouts des doigts) et leurs inlassables remakes  façonnent les esprits et les goûts. Qu’on ne comprenne surtout pas, par ses propos, l’illustration d’une carence de talents dans le pays, mais plutôt, assez souvent, mauvais choix, chouchoutage et autres manières de copinage. Sinon est-il normal qu’il ait fallu, par exemple, un siècle de littérature, et autant de cinéma, pour faire dix romanciers de renom et pas un seul scénariste ? Il y a peut-être de bonnes lessives à faire pour donner à tous les créateurs des chances réelles.

Y a-t-il moyen de sortir de l’ornière ?

Tous les gens sensés vous diront que le meilleur moyen est d’encourager les ateliers d’écriture, de donner leurs chances aux jeunes talents – qui existent !

Mais, plus urgent encore, et là nous revenons à  nos plus vieilles revendications jamais encore suffisamment exaucées : jeter des passerelles entre les cinéastes et les romanciers ou les nouvellistes, provoquer des expériences de co-écriture, d’adaptation pour tenter de porter à l’écran les sujets de certains de nos romans primés, dont la valeur esthétique et la teneur psychologique, sociologique, voire existentielle, sont confirmées. Il y a dans notre littérature fictionnelle une matière suffisante : des idées de films, des dialogues dont l’adaptation au dialectal donnerait certainement une autre épaisseur dramatique au film tunisien. Il y a même, parfois, des embryons de scénario qui ne manqueraient pas d’élargir les horizons de notre cinéma.

Côté télévision, la solution est dans la diversité et non dans le remake. De trop essorer un auteur, un comédien, on finit par lui craquer les os et il n’en sort plus, après, que de la poudre sans consistance !

Source : http://www.lerenouveau.com.tn/


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