ZAHIRA BEN AMMAR : «J’AI CONTRACTE LE VIRUS DU THÉÂTRE A 16 ANS»

Par Mona BEN GAMRA — Le Quotidien | Publié le 19.05.2009

Zahira a l’art de la mimique, du clin d’œil à vous emmener dans son univers, à coups d’interprétations à caractère. Elle les distille avec cette voix inchangée et personnelle à la fois onctueuse, acidulée et vivifiante. Sensuelle aussi.

Zahira Ben Ammar et le théâtre, c’est une longue histoire. Voilà 20 ans de vie de scène. Il y a bien longtemps, elle y était venue du théâtre scolaire lorsqu’elle participait à une pièce théâtrale au lycée Carnot. «A l’époque, je n’avais que 16 ans et depuis, j’ai contracté le virus du théâtre. J’ai pu réaliser un véritable tour de force.

Je suis devenue, depuis, une mordue de la scène » Notre rencontre, dans un café du coin, a été quelques fois interrompue, par les fans de Zahira qui viennent lui serrer la main ou encore la féliciter pour ses rôles. A chaque fois Zahira y répond par un sourire. Sourire et vraie modestie.

Pour revenir un peu sur la notoriété de l’artiste, on se rendrait à l’évidence : Zahira a gagné le cœur et les esprits des uns et des autres avec des participations remarquables dans la vague de sitcoms qu’a connue notre TV nationale. «La TV a ses clés. Je ne sous-estime pas les rôles que j’ai pu camper, car il ya une part de moi-même qui s’exprime à la télé». Zahira affectionne bien particulièrement le rôle de Alya dans «Idhak liddonia. «Un feeling est passé entre moi et le réalisateur Abderrazak Hammami et l’auteur Tahar Fazaa. On m’a donné une certaine liberté qui m’a aidée à améliorer le personnage et d’en faire un rôle qui me va comme un gant».

Si Zahira s’est fait connaître de Monsieur tout le monde pour sa collaboration aux sitcoms qui ont pullulé ces dernières années sur nos chaînes nationales, elle a avant tout travaillé au théâtre comme actrice, dramaturge et metteur en scène. Ses racines théâtrales remontent, en effet, à aussi loin que ses années du lycée à la rue des glaciers. Elle retrouve le théâtre amateur et professionnel quelques années plus tard. A Paris, elle étudie la Comedia Dell’arte. « En rentrant à Tunis, j’ai roulé ma bosse avec plusieurs troupes de théâtre. A commencer par celle de Habib Chebil qui représentait pour moi la grande école. J’ai enrichi par la suite mon expérience avec des troupes professionnelles, comme celles du «Nouveau théâtre», devenu après, «Familia production» de Jaibi, «El Teatro» de Jébali, le TVT avec Abdelmajid Lakhal et le Théâtre national avec Mohamed Driss».

Zahira est, aujourd’hui, une créatrice lucide. On la retrouve avec une carrière mêlée, sans pour autant s’éparpiller. Car elle sait donner à chaque personnage un peu de sa personnalité. Pour bien faire dans ce domaine, elle s’est dit qu’il faut franchir des étapes. La première est la sincérité. La seconde est le talent. Après, il faut ajuster. Trouver un juste milieu.

Dans le cinéma, elle nous a habitués à des interprétations de caractère. Dans «Le silence des palais» de Moufida Tlaltli, «Halfaouine» de Boughdir et «Noces d’été» de Mokhtar Laajimi, Zahira qui n’a eu que de petits rôles se targue d’en avoir fait «des numéros d’acteurs».

Zahira est une citoyenne du monde qui croit en les valeurs de l’art. Du théâtre, notamment, en tant qu’art qui se vit avant qu’il ne se regarde. Sur la scène du quatrième art, l’artiste qu’elle est, a adopté à son théâtre ce qu’elle aime dans la vie. D’abord, elle ne fait que ce qui lui plait. Ses personnages très complexes nous dépeignent tels que nous sommes et portent sur l’homme un regard très sévère, sans complaisances. Ses pièces qu’elle signe dans le cadre de sa société Syndyana sont venues consacrer une carrière de 20 ans. «En quelques années seulement, Syndyana est devenue une troupe porte-étendard des arts d’interprétation en Tunisie. Avec ma propre société théâtrale, j’ai pu avoir mon propre cachet, être responsable de mes créations et de mes partis-pris esthétiques et artistiques… Pour créer une œuvre, je passe 6 à 8 mois sans pointer le bout du nez dehors. Car c’est un travail de recherche.» Des pièces comme «Syndyana», «Trakteck» et «Femme » ont connu un franc succès. Elles sont denses et intenses selon la critique, qu’elle soit tunisienne ou arabe.

Zahira comme bien d’autres artistes sincères est là pour nous rappeler que le théâtre à texte ou encore celui écrit dans l’arabe littéraire ont de beaux jours devant lui. Elle nous surprend par la modernité surprenante du texte qu’elle réadapte d’écrits comme celui de Ezzeddine Madani. Zahira est aussi une femme sereine et comblée. Rien à voir avec la sérénité béate, plutôt un état d’esprit où le pôle positif l’emporte largement, conséquence directe d’une façon de voir la vie avec ses grands rayons de soleil et parfois ses ombres. Zahira était bien portée pour nous raconter des souvenirs glanés dans son jardin secret, sans faux fuyant. Avec tous les détails. Tenez : elle nous confie, par exemple, qu’en donnant l’une de ses pièces, elle est allée chercher son dû après quelques mois de représentations. «Après avoir fait le tour de tous les comédiens et techniciens qui ont travaillé avec moi, je suis rentrée chez moi avec 35 DT. C’est la somme que j’ai pu empocher». Si Zahira ne roule pas sur l’or aujourd’hui, elle est heureuse et enchantée de rencontrer dans la rue des gens qui, en la croisant, la surprennent en reprenant des pans entiers de ses rôles. Comme quoi, l’art ne rend pas riche, pour le moins non chiche. Et c’est, bien entendu, le propre des âmes bien nées.

Mona BEN GAMRA

Source : http://www.jetsetmagazine.net/


Ajouté le : 2015-08-08 10:38:35


 

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