LES FOUILLEURS DE POUBELLES FONT LEUR CINÉMA

Par Mona Ben GAMRA – Le Temps du 16 décembre 2020

Elle est jeune et vient tout juste de terminer un cursus universitaire qui l’a amenée à exercer le métier dont elle a toujours rêvé, le cinéma. De mauvaises langues diront que Marwa Tiba serait une veinarde, elle qui aura la chance de voir projeter son film «Trash» aux JCC, section «ciné-écoles».

La jeune cinéaste a fini par convaincre de la vérité d’une histoire qu’elle a porté sur grand écran, celle des fouilleurs de poubelles communément appelés «barbacha», des citoyens qui se nourrissent des bennes à ordures. Il ne fallait pas opter pour un thème moins écœurant pour déranger le confort intellectuel de ceux qui ne se soucient aucunement de l’insécurité alimentaire, dans un pays où le citoyen moyen s’appauvrit de jour en jour.
Les bennes d’ordure de chez nous. Elles sont sales et infectes en plus d’être un bric à brac d’objets sans valeur. Car sous nos cieux, dans un pays où le citoyen moyen crève la dalle, il n’y a rien à jeter sinon des bouteilles en plastique vides ou du pain rassis qui fera gagner à des fouilleurs de poubelles un argent infime qui ne suffira pas à remplir des ventres affamés. À Gafsa, ville natale de Marwa Tiba, des citoyens dans le besoin se livrent à cette activité répugnante pour gagner un pain amer au goût de leur avilissement quotidien. Marwa est membre de la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs. La jeune cinéaste se targue d’avoir découvert l’émerveillement du grand écran dans un club de cinéma dans sa ville natale. Elle a réalisé trois films documentaires avant de se projeter dans ce métier et de suivre des études universitaires en la matière. La reconnaissance des spécialistes ne tarde pas à venir, puisque la jeune Marwa a été récompensé en 2017 pour son film «Amour interdit» au Festival de Kélibia du cinéma amateur. «J’ai toujours été attirée par l’idée de faire du cinéma du réel qui montre les souffrances des gens et leurs préoccupations quotidiennes. L’idée de filmer les fouilleurs de poubelle m’a hantée depuis des années déjà. Au début j’ai observé longuement ces personnes avant d’engager des discussions avec eux et de gagner leur confiance pour pouvoir les filmer», confie Marwa, qui continue «C’est carrément un monde parallèle qui a ses codes et ses règles. Ce monde est peuplé de personnes âgées et d’enfants qui se bousculent pour ramasser des bouteilles en plastique pour pouvoir vivre. Ce sont de véritables personnages qui se battent pour vivre dignement». L’immersion dans ce monde répugnant et nauséabond en vaut le détour. Car il en est question de l’état de nos poubelles nationales. Vaste programme !

M.B.G

Source : Le Temps du 16 décembre 2020


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