LE CINÉMA AMATEUR : VOCATION ET ENJEUX

Ridha Ben Halima et Rachid Sfar - FTCA

Par Mahrez Karoui – La Presse de Tunisie –

Les membres de la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs (Ftca) viennent d’élire un nouveau bureau. L’assemblée générale, qui a eu lieu récemment au Centre culturel international de Hammamet, a été l’occasion d’un vrai débat autour de la vocation, de l’activité et surtout de l’avenir du mouvement des cinéastes amateurs.

En plus des représentants des onze clubs qui forment aujourd’hui la fédération, une pléiade d’anciens membres a pris part aux travaux de l’assemblée tels que Neji Guessem, ancien président du club de Monastir et réalisateur de «Duel» (1979), Fethi Ben Slama, auteur de «Le mur» (2004), Habib Mestiri, ancien membre du club de Chebba à Mahdia, Mohamed Mallekh, ancien membre du club de Kélibia, et Ridha Ben Hlima, coauteur de «Tunnel» (1983). Étaient également présents, Naceur Sardi pour l’Atpcc, Adel Ghzala pour la Ftcc et Mme Mounira Ben Hlima pour la direction du cinéma au ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine, ainsi que les 43 participants au stage de formation qui s’est déroulé durant les trois jours qui ont précédé l’assemblée.

Le cinéaste Habib Mestiri, qui a présidé les travaux de l’assemblée, a exprimé son inquiétude face à «l’absence de culture cinématographique et artistique chez les jeunes de la Ftca». Selon lui, la nouvelle direction doit élaborer, en collaboration avec les responsables des clubs, une nouvelle stratégie de formation permanente destinée aux nouveaux membres. «Certes ma génération, ajoute-t-il, était plus préoccupée par des considérations d’ordre idéologique que par la création artistique. Mais cela ne nous a pas empêché de bien maîtriser les secrets de l’art cinématographique et par conséquent de produire des films de qualité. Je ne dis pas que vous devez faire exactement comme nous, affirme-t-il en s’adressant à une assistance composée essentiellement de jeunes de moins de vingt ans, mais l’absence de motivation idéologique ne doit pas à mon sens donner lieu à un vide intellectuel. Car vous aussi, pour créer, vous avez besoin de vous forger un idéal, des convictions, une position critique à l’égard du cinéma tel qu’il est fait et conçu aujourd’hui en Tunisie». Il a par ailleurs réitéré sa conviction intime que la Ftca garde toujours son mot à dire dans le contexte actuel du cinéma tunisien. Selon lui, le rôle de la fédération consiste aujourd’hui à reconquérir un public jeune né sans salles de cinéma, mais également à proposer une vision alternative du cinéma au moment où les télévisions nous bombardent d’images dépourvues de sens et de subtilité. «La Ftca doit rester un espace libre, un champ d’expérimentation artistique, un foyer de rébellion dans le sens intellectuel du terme, et un dernier rempart face aux idées reçues et au conformisme artistique».

Quant au film documentaire, «Images saccadées», qu’il est en train de préparer sur l’histoire du cinéma amateur, Habib Mestiri a indiqué que ce film répond à une envie de rétablir une vérité historique à propos de cette association unique en son genre dans le monde arabe. «C’est grâce au cinéma amateur et à la Ftca qu’un cinéma national de qualité a pu exister en Tunisie. C’est aussi les militant de la Ftca et de la Ftcc qui ont empêché en quelque sorte l’émergence d’un cinéma commercial subventionné avec l’argent public», affirme-t-il «Mon film est une façon de rendre hommage à des gens anonymes qui ont milité dans un magnifique esprit de volontariat pour le cinéma et la culture dans notre pays».

Sortir de la léthargie

Pour sa part, Ridha Ben Hlima, qui continue à l’âge de soixante ans à faire des films amateurs, a insisté sur le souci de la perfection, que ce soit dans les films produits ou dans l’organisation des manifestations de la Ftca et en particulier le festival de Kélibia. «Il faut renouer avec l’esprit d’équipe et le travail collectif, dit-il, la Ftca dispose aujourd’hui de moyens matériels et logistiques pour donner plus d’efficacité à ses actions». Il a invité les clubs à établir un plan d’action rigoureux sans attendre les initiatives du bureau fédéral. «Il faut que les clubs sortent de cet état de léthargie et de passivité, annonce-t-il. Ils doivent savoir se prendre en charge, surtout sur le plan de la formation.

Plusieurs cinéastes professionnels et enseignants de cinéma sont prêts à encadrer bénévolement les jeunes dans leurs clubs, à condition qu’ils soient sollicités». Il a notamment réclamé l’application du règlement interne concernant la production progressive, qui exige pour chaque adhérent le passage obligatoire par la photographie avant d’arriver à la réalisation d’un film. Pour remédier aux dysfonctionnements de l’organisation lors du festival de Kélibia, R.Ben Hlima propose la création d’un comité exécutif qui se chargera de la préparation du festival une année à l’avance tout en gardant l’actuel comité directeur. «Aujourd’hui on ne peut plus fonctionner avec les mêmes structures de 1964, s’exclame-il, nous n’avons plus le droit à l’improvisation».

Quant aux élections, le résultat du vote n’a pas apporté de grandes surprises, puisque quatre membres de l’ancien bureau ont été reconduits dans leurs fonctions dont Adel Abid qui a gardé la présidence de la Ftca pour un nouveau mandat. Ce dernier a déclaré suite à sa réélection que l’action du nouveau bureau aura deux objectifs : réussir la 25e session du Fifak qui aura lieu du 10 au 17 juillet 2010 d’une part et préparer le cinquantenaire de la FTCA en 2012 d’autre part. «Nous allons également, a-t-il annoncé, lancer une vaste opération de restructuration et de création de nouveaux clubs dont au moins sept qui entreront cette année en activité à Gafsa, Bizerte, Sidi Bouzid, Tazarka, Kairouan, Ariana et Tunis. Nous comptons aussi entamer la réflexion à une nouvelle réforme des textes qui déterminent la vocation, l’action et le fonctionnement de la fédération».

Mahrez KAROUI

Source : http://www.lapresse.tn/


 

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