KALTHOUM BORNAZ, RÉALISATRICE TUNISIENNE – HOMMAGE

Le Centre National du Cinéma et de l’Image organise à la Cinémathèque tunisienne un hommage à la mémoire de Kalthoum Bornaz, le mardi 18 septembre 2018 à 18h à la Cité de la Culture, avenue Mohamed V. rue Cyrus le Grand.

L’hommage sera suivi de la projection de son film «L’Autre moitié du ciel» (Shtar m’haba), traitant  de l’héritage de la fille musulmane, il est au cœur du débat actuel en Tunisie.

Rappelons que Kalthoum nous a quittés en 2016.

À l’occasion nous reproduisons une rencontre donnée par Kalthoum à une journaliste algérienne au Festival du film arabe de Fameck en 2008.

KALTHOUM BORNAZ, RÉALISATRICE TUNISIENNE

«Je suis respectueuse du Coran et n’attaque personne»

O. Hind – 17 octobre 2009

Nous l’avons rencontrée au Festival du film arabe de Fameck où elle est venue présenter son film «L’autre moitié du ciel» (2008).

  • Le cinéma arabe ose. Il hausse le ton, se libère, d’autant qu’il dit tout haut ce que d’aucuns pensent tout bas… la vérité tout simplement. Et une partie d’elle est traitée dans ce film, par une femme, la réalisatrice tunisienne, Kalthoum Bornaz. C’est parce qu’elle vient toucher à un précepte du Coran qu’elle est attaquée de toutes parts. Et pourtant, la réflexion et le doute font partie de l’être humain, ils sont propres à l’homme intelligent qui réfléchit, à fortiori sur les inégalités de l’héritage entre un garçon et une fille, à notre époque en particulier. Pourquoi tant de choses évoluent et d’autres non ? Kalthoum Bornaz, qui revient de loin, a accepté de nous parler de son film, ayant fait l’objet de moult tracasseries… le tout raconté avec un sourire charmant digne des personnes qui ne reculent jamais devant un obstacle. Nous l’avons rencontrée au Festival du film arabe de Fameck, (une manifestation qui en est à sa 20° édition et où l’Algérie était à l’honneur, un événement cinématographique majeur en France qui présente des films ayant trait au rapport avec le monde arabe, où elle est venue présenter son film L’Autre moitié du ciel (2008), une production tuniso-franco-marocaine.

L’Expression : Un mot sur votre présence ici au Festival du film arabe de Fameck?

  • Kalthoum Bornaz : Je suis déjà venue ici il y a 10 ans, avec un autre film et j‘avais beaucoup aimé ce festival qui est très simple et a très peu de moyens. J’aime beaucoup le travail fait par Mario, le président dudit festival, pour la cohésion assurée entre les différentes communautés qui vivent ici, notamment maghrébine, polonaise, sénégalaise, indienne, etc. Enfin c’est un vrai mélange. Le Front national c’est zéro point ici aux élections. Tout le monde met la main à la pâte, il y a des bénévoles. J’ai beaucoup aimé ça. C’est ce qui m’a incitée à revenir à Fameck, et ce, avec un nouveau film qu’ils ont sectionné. J’ai un emploi du temps chargé mais j’ai décidé de venir quand même. Ils m’ont demandé aussi si je voulais bien aller au lycée professionnel pour en parler avec les élèves de terminale. Ce fut à bâtons rompus et très intéressant car j’aime beaucoup les jeunes. J’en reviens, ça s’est vraiment très bien passé. Au départ, ils étaient un peu réticents comme chaque adolescent, après je les ai poussés à poser des questions en toute liberté et cela été formidable.

Justement, votre film traite d’un sujet assez délicat, à savoir le droit de succession, et vient remettre en cause la loi islamique…

  • Nous, en Tunisie, grâce au président Bourguiba depuis 1956, nous avons tous les droits, les mêmes que les hommes sauf un qui n’a pas pu être changé. Il s’agit de la loi sur l’héritage.
    Seuls les droits de succession pour la femme n’ont pas été réglés. C’est la seule loi émanant directement du Coran qui reste, à ma connaissance, et j’ai voulu en parler. Je ne critique pas, je n’attaque pas.
    Je suis très respectueuse de l’Islam et du Coran qui sont mon identité et ma culture. C’est comme si je ne me respectais pas moi-même dans ce cas… Effectivement, c’est un sujet un peu brûlant. Beaucoup de gens m’ont critiquée et agressée sans avoir vu le film. Ça fait bizarre car il y a un malentendu total qui n’est pas le fait de l’intention ni du sujet du film, d’ailleurs. Ce dernier raconte l’histoire d’une jeune Tunisienne. Sa vie est partagée entre son frère jumeau, son père et son petit ami. C’est toute une histoire qui se termine sur les droits de succession. Je n’ai jamais su raconter mes films. Mais voilà, la question est posée. En Tunisie, cela a généré en tout cas un vrai débat. Il y avait les pour et les contre. Les gens en ont parlé, les journaux aussi, des dossiers faits. Je pense que c’est plus sain de parler d’un sujet que de le classer comme tabou. C’est toujours mieux la communication et le dialogue. Je suis pour ça.

Vous avez été, cette année, membre du jury au dernier Festival international du film arabe d’Oran, qu’en pensez-vous ?

  • Moi, j’encourage les festivals dans nos pays dans la mesure où ça ramène le public vers le cinéma, vers les salles obscures et pas uniquement le public qui voit des films en DVD piratés, ou à la télé ou seulement des productions égyptiennes pas toujours réussies. J’avais un emploi du temps extrêmement chargé mais j’ai accepté de venir et d’être membre du jury au Festival international du film arabe d’Oran.
    Nous avons vu de très bons films, au point que cela a été très difficile de s’entendre sur le Grand prix. Il y avait au moins 4 qui le méritaient.

Dukan Shahata n’a rien reçu…

  • Oui, c’est un film qui ne méritait rien. Il n’était pas du tout du niveau de Khaltat Fawzia. Il y avait aussi un autre film égyptien qui s’appelait Mecano… Ce que je regrette dans les festivals arabes c’est qu’on donne toujours plus de priorité et d’impérialisme au cinéma égyptien par rapport aux autres cinémas arabes. Là aussi, j’étais à Rabat où j’ai présenté mon film en compétition et c’est toujours pareil. C’est fatigant et décourageant.
    Je connais beaucoup de cinéastes arabes qui ne veulent plus aller dans des festivals du film arabe à cause de ça. Les cinéastes égyptiens ont beau être sur un pied d’égalité que les autres, ils sont quand même mieux lotis que les autres, circulent en limousines privées, les autres sont en minibus, leurs films ont forcément des prix, plus ou moins mérités, ceci dit, mais quand même… Donc, il y a trop d’anomalies.
    Je propose qu’on fasse un festival du film égyptien d’une part, et d’autre part, des festivals du film arabe où la compétition je dirais serait normale, je ne dis même pas équitable, comme cela se passe dans tous les festivals du monde.

Vos projets ou votre actualité

  • Je voyage comme une dingue dans tous les continents du monde. Je passe à peine 24 ou 48 heures à Tunis parce que mon film L’Autre moitié du ciel est tout récent. Il est ainsi sélectionné dans pas mal de festivals, en même temps j’avoue que c’est un peu comme une fuite en avant car cela a été un film extrêmement difficile à faire, à finir.
    J’ai eu un milliard de problèmes autour de ce film, entre tuiles, catastrophes, coups bas, etc. J’en suis sortie très meurtrie. Le fait de voyager comme ça, un peu partout, me permet de panser mes blessures, tout en démarrant un nouveau scénario. Je suis en pleine écriture. Un sujet complètement différent de l’autre. C’est trop tôt pour en parler.

O. Hind.

Source : l’expressiondz.com


 

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