HAFSIA HERZI : «J’AI FILMÉ MES PERSONNAGES AVEC BEAUCOUP D’AMOUR ET JE PENSE QUE ÇA SE RESSENT DANS LE FILM»

Par Bénédicte Prot – cineuropa.org/

La comédienne Hafsia Herzi, révélée par Abdellatif Kechiche dans «La Graine et le Mulet», évoque pour Cineuropa la naissance très spontanée de son émouvant premier long-métrage en tant que réalisatrice (et actrice principale), «Tu mérites un amour», projeté à la 58e Semaine de la Critique parmi les séances spéciales.

Cineuropa : Pouvez-vous décrire pour nous la genèse de Tu mérites un amour ?

  • Hafsia Herzi : Mon premier long-métrage devait en réalité être un film intitulé Bonne mère, qui est écrit, mais j’étais en attente de réponses pour les financements et j’avais, depuis un moment, envie de me lancer dans la production avec un film autoproduit sans moyens. Ainsi, je me suis réveillée un matin de juillet avec une pulsion artistique. Je me suis dit « Il faut que tu tournes tout de suite; c’est maintenant qu’il faut que tu fasses ce projet que tu as envie de faire depuis des années sans argent », et je suis allée chercher celui qui conviendrait le mieux dans mes archives de scénario.

Dans quelle mesure le scénario est-il écrit – parce pour un dispositif simple, le film acquiert au fur et à mesure une belle épaisseur ?

  • C’est très écrit, parce qu’on ne peut pas improviser un film – enfin peut-être que certains y arrivent, mais c’était important pour moi que l’ensemble soit bien cadré – donc quand j’ai décidé de tourner du jour au lendemain, cinq jours après on était en tournage, mais on a commencé par les scènes où je suis toute seule. Il y a eu cinq jours de tournage en juillet, cinq en août et cinq en septembre et entre ces périodes, j’ai pu préparer la suite et retravailler mon scénario en fonction des gens que j’ai choisis. J’adore les dialogues bien faits – je suis, par exemple, fan de Marcel Pagnol, où parfois, ça parle pendant un quart d’heure du pain, de n’importe quoi, de la vie en fait…

Votre film rappelle notamment en cela le cinéma de Kechiche : il a une manière toute spéciale de s’immerger dans la vie qui fait qu’on est bien dedans, avec les personnages, qu’on se met à les aimer.

  • Je n’ai pas cherché à imiter Abdellatif Kechiche, d’ailleurs il est inimitable, mais c’est vrai que c’est un peu mon modèle, C’est un réalisateur et un homme passionné pour qui j’ai beaucoup d’admiration et c’est lui qui m’a donné envie de réaliser. J’ai en effet filmé mes personnages avec beaucoup d’amour, et je pense que ça se ressent dans le film, parce que j’ai choisi des gens avec un grand cœur et pour moi, l’âme se voit à l’image – je précise que Jérémie Laheurte, s’il joue ici le «méchant», est quelqu’un qui est très généreux, très gentil. Anthony Bajon, également, a été un coup de cœur artistique : je l’ai découvert dans «La Prière» de Cédric Kahn [qui lui a valu l’Ours d’argent du meilleur acteur à Berlin en 2018, ndlr.] et bien qu’il ait dans ce film un rôle à l’opposé de celui, tout doux, qu’il a dans le mien, j’ai senti tout de suite son grand cœur. Il a un regard incroyable, une présence incroyable, il a ce côté «homme», très rassurant, mais il est aussi très touchant. Pour les comédiens, dont c’était la première fois l’écran, ça a été le fruit de rencontres – car j’aime bien échanger avec les jeunes qui veulent faire du cinéma et viennent me demander conseil. En somme, je me suis entourée de gens qui m’inspiraient et ça se ressent dans le regard.

Comment avez-vous géré le fait d’être des deux côtés de la caméra, d’autant que vous vous mettez très à nu, physiquement et psychologiquement.

  • Comme la décision de tourner a été prise sur le champ, je n’ai pas vraiment eu le temps de réfléchir, je ne me suis pas posé de questions, j’ai foncé, en me disant que de toute façon, quand on réalise, tout repose sur vos épaules. L’énergie d’un film, c’est le réalisateur, je n’avais pas le droit à l’erreur, il fallait que je fonce, alors je me suis laissée aller sans trop réfléchir.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le projet Bonne mère, qui devait être votre premier long-métrage ?

  • Ma société de production s’appelle «Les films de la bonne mère» en référence à Notre-Dame de la Garde à Marseille, un monument superbe qui veille sur la ville. Le film raconte l’histoire d’une mère de famille d’une cinquantaine d’années qui vit à Marseille dans les quartiers nord, qui est femme de ménage, s’occupe d’une dame âgée et qui a trois enfants, dont un fils en prison. Le film suit son parcours jusqu’au procès de son fils. Ce sera le portrait d’une femme forte, digne, honnête, qui essaie de s’en sortir et de rester forte pour ses enfants. J’espère que «Tu mérites un amour» va m’aider à trouver l’argent qui manque pour faire ce film que j’espère tourner très vite, peut-être à la rentrée.

Source : https://cineuropa.org/


 

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