UN FILS, BOULEVERSANT DE LA TUNISIE MODERNE…

Écrit par NES à Venise, Jihane Bougrine – Publication : 7 septembre 2019

Le cinéma tunisien triomphe à la Mostra de Venise qui se tient du 28 août au 7 septembre. Avec «Un Fils», signé Mehdi M. Barsaoui, qui concourt dans la sélection «Orizzonti», le Maghreb assoit un cinéma puissant et profond. En prime, 10 minutes de standing ovation pour l’équipe du film. Détails.

Dans la section «Orizzonti», où est célébré le cinéma de tous les horizons, le Tunisien Mehdi Barsaoui s’apprêtait à séduire avec un film poignant et plein de rebondissements. Première œuvre d’un cinéaste qui a déjà fait parler de lui avec ses deux courts-métrages, «À ma place» et «Bobby», la pression monte dans la salle puisque l’on s’attend déjà à être surpris par le talent de ce jeune réalisateur, scénariste et monteur de 35 ans.

Une œuvre à fleur de peau

Dans ce film, ce qui touche le plus, c’est la force du scénario et les différents twists et rebondissements que nous offre Mehdi Barsaoui. L’histoire commence bien. Farès, campé par l’excellent Sami Bouajila, et Meriem, par la surprenante Najla Ben Abdellah, forment un couple parfait. Famille tunisienne moderne et aisée, ils reviennent d’un pique-nique dans le Sud de Tunis avec leur fils Aziz, âgé de 9 ans. Leur voiture est prise pour cible par un groupe terroriste et le jeune garçon est grièvement blessé. À l’hôpital, on apprend aux parents que le fils aurait besoin d’une greffe du foie. Un retour à Tunis est recommandé. Les analyses révèlent alors que Farès n’est pas le père de Aziz. S’ensuit tout un parallèle brillant et ingénieux entre la Tunisie de 2011, post-Ben Ali, et l’histoire d’une famille presque banale. Tutelle du mari, rapports flous entre la religion et la médecine, adultère, mensonges, corruption, Sami Bouajila livre une prestation habitée d’un père perdu et Najla Ben Abdellah, rongée par la culpabilité, est prête à tout pour sauver son fils. «Quand Ben Ali est parti, tout semblait parfait au début. Après, plein de choses ont refait surface. C’est comme l’histoire de cette famille d’apparence parfaite, mais dont les secrets refont surface en temps de crise», confie le réalisateur. En plus de l’histoire, chaque est plan est étudié et pourrait faire l’objet d’une exposition photo. Le montage est fluide, la réalisation efficace, la mise en scène brillante. 

«Un Fils» d’une Tunisie en transition

Est-ce une famille moderne ou traditionnelle ? Est-ce que le père réussira à passer outre l’adultère et à se consacrer aux moyens de sauver «Un Fils» qui n’est pas le sien ? Comment trouver un rein pour greffe dans un pays qui reste musulman et où le corps humain est sacré? Des questions brillantes qui font écho à une Tunisie en transition. Un Maghreb entre deux feux, celui de la prometteuse modernité ou de la rassurante tradition. Le réalisateur tunisien réussit là une brillante fresque profondément humaine et débordante de subtilité. Les nuances, la subtilité, les rebondissements rappellent un certain Asghar Farhadi. Né en 1984, Mehdi Barsaoui grandit à Tunis. Il est diplômé de l’Institut Supérieur des Arts Multimédia de la Manouba (ISAMM) à Tunis, où il a été formé au montage. Mehdi M. Barsaoui a poursuivi ses études de cinéma au DAMS à Bologne (Italie). Il réalise deux courts-métrages qui ont été sélectionnés dans de nombreux festivals internationaux où ils ont remporté plusieurs prix. Un Fils (A Son), avec le soutien du RAWI Sundance Screenwriters Lab, avait déjà remporté le Prix Sørfond au Durban FilmMart 2016, en Afrique du Sud, afin de participer au Sørfond Pitching Forum 2016 à Oslo, en Norvège. Le projet était déjà plein de promesses. Des promesses qu’il a su tenir puisqu’à la fin de la projection, la salle est debout, et l’émotion, palpable. Les acteurs qui ont fait un sans-faute rejoignent leur réalisateur et s’enlacent avec émotion. Le public est conquis. Le film aura 10 minutes de standing ovation des plus méritées. «Un moment inoubliable, exceptionnel», avoue le réalisateur sur les réseaux sociaux. «Un Fils» est un film poignant et nécessaire qui a déjà plus de force que toutes les politiques, puisqu’il puise dans l’âme et la sincérité. Prix de la meilleure première œuvre méritée.

Source : http://www.leseco.ma/


 

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